Une ville sortie des eaux (1721-1753)
Le rêve de Pierre le Grand
L’ambition d’un monarque constructeur
« Transplantés dans une cité artificielle, européenne, sans liens avec le passé, les premiers habitants de Saint-Pétersbourg se désespèrent. Non seulement ils ont perdu leurs biens, mais encore ils ont l’impression de n’être plus en Russie. En se promenant le long des canaux, ils se croient tantôt en Hollande, tantôt en Italie, tantôt en Allemagne[1] ».
[1] Henri Troyat, Pierre le Grand : Biographie, Paris, Flammarion, 2007, coll. « La Galerie des Tsars », p. 166.
Cette citation exprime le ressenti des premiers pétersbourgeois envers leur nouvel habitat et résume adéquatement la volonté de Pierre le Grand de bâtir la Russie de demain. Le tsar veut transformer la société par une réforme se basant sur le modèle occidental. Pour s’imprégner des méthodes européennes, de leurs cultures, et pour nouer des alliances, Pierre 1er organise la grande ambassade[1]. Comprenant environ 250 personnes, le groupe, auquel participe le tsar, sous le nom de Pierre Mikhaïlov visite les nations telles la Grande-Bretagne, la Hollande, passant par Berlin, Vienne, mais ignorant la France qui soutient l’ennemi ottoman[2]. Il ne repart pas « les mains vides » de son expédition. Ils sont entre 640[3] et 750[4], à être recrutés au service de la Russie[5]. Ils ont de divers profils, mais leurs spécialités trahissent les réels objectifs du tsar[6]. En visitant les pays occidentaux, ce dernier s’imprègne de leurs habitudes avec le caractère immersif de l’expédition.
Le voyage de Pierre 1er redéfinit les ambitions du tsar. Il veut mettre la main sur un port en mer Balte pour relier l’empire russe à l’Europe[7]. Pour espérer dominer ces eaux, la Russie doit vaincre celle qui contrôle cet espace, à savoir la Suède. Démarre alors un conflit qui va durer pas moins de deux décennies. Cependant, l’ambition des Suédois aura raison d’eux dans le golfe de Finlande. Le roi de Suède, Charles XII, âgé de quinze ans, se détourne un temps des Russes pour attaquer la Pologne, alliée du tsar. Une opportunité que saisit Pierre le Grand. Vainqueur dans la Neva en 1703, il fonde une nouvelle ville nommée Saint-Pétersbourg et, l’année suivante, bâtit une forteresse sur l’île de Kronstadt, au cœur du golfe de Finlande[8]. Le conflit continue jusqu’au traité de Nystad en 1721, qui sacre la victoire de la Russie[9].
Le fort suédois de Nyenschantz, situé au confluent de la grande Okhta et de la Neva, est ignoré au profit de la construction d’un nouvel édifice militaire[10]. Ce dernier est bâti rapidement entre mai et septembre 1703 ; il est constitué de bois et de pierres et placé à un endroit stratégique sur l’île aux Lièvres, située sur la grande Neva[11]. Une missive entre le favori du tsar, Menchikov, et le commandant de la forteresse, Steve Bruce, fait état de 40 000 pilotis pour permettre aux fondations de la citadelle de tenir[12]. Si autant d’efforts sont requis pour le premier bâtiment, il est probable que le lieu ne soit pas propice à l’établissement d’une telle citée.
Figure 1. Île aux Lièvres au cœur de la Neva et abritant la forteresse Pierre et Paul.
L’espace géographique de la nouvelle ville est problématique et la toponymie le confirme puisqu’en finnois, Neva se traduit par marécage et boue[13]. L’estuaire de la Neva est divisé en de multiples branches, divisant la terre en îlot dont aucune ne dépasse les 30 pieds au-dessus du niveau de la mer[14]. Le terrain est humide dans son intégralité et une des hauteurs favorables à l’aménagement urbain est occupée par l’ancien fort suédois qui restera inhabité[15]. Les ressources sont limitées. Le bois de construction n’y est pas en nombre et doit être apporté en bateau de continent[16]. Malgré la présence suédoise, l’espace n’a jamais fait l’objet d’une colonisation. Seuls quelques hameaux autochtones perdurent dans une région qui conserve son état sauvage. Le climat y est également hostile. Les hivers sont longs et la Neva reste généralement gelée pendant six mois[17]. La Neva elle-même représente un défi. En effet, le volume d’eau déversé dans le golfe de Finlande équivaut à celui du Dniepr et du Don combiné[18]. Le courant est donc puissant. De surcroît, la largeur du fleuve rend l’élaboration d’un pont compliqué et même dangereux lorsque des blocs de glace circulent en automne et au printemps[19]. L’espace est sujet aux forts vents de l’Ouest qui, en plus d’empêcher la navigation, ont tendance à provoquer des crues[20]. « Admirateur des Hollandais, il [Pierre] veut, comme eux, domestiquer l’élément liquide. Saint-Pétersbourg sera une réplique russe d’Amsterdam. Une ville sur pilotis, traversée de canaux, divisée en îlots, un port au milieu des terres spongieuses[21] ». Le choix de bâtir Saint-Pétersbourg dans l’embouchure de la Neva permet au souverain de réaliser d’une pierre trois coups : il gagne un avantage territorial sur les Suédois ; Pierre peut enfin avoir accès à la Baltique qui ouvre vers l’Europe. Le tsar est conscient que l’embouchure de la Neva n’est pas favorable à l’établissement de la cité puisque plusieurs fois il est mis en garde[22]. Son choix est assumé et le tsar va se donner tous les moyens possibles pour accomplir son projet.
Sous le règne du tsar Pierre, l’urbanisme de Saint-Pétersbourg est enchevêtré entre deux paradigmes : la fortification de la cité et la volonté d’en faire une ville symbole. L’aspect militaire est représenté par le premier bâtiment, la forteresse Pierre-et-Paul, mais aussi par le grand chantier de l’Amirauté. Elle est la principale manufacture dans la première moitié du XVIIIe siècle[23]. La symbolique peut déterminer plusieurs pans de Saint-Pétersbourg, nouvelle capitale depuis 1713[24]. Il y a aussi dans ce transfert un côté mystique, assurément religieux, mais surtout l’idée d’en faire une ville nouvelle. Tel Dieu, Pierre décide de tout au gré de ses ambitions. Il veut faire de Saint-Pétersbourg une ville marine. Cela passe par la promulgation de lois coercitives. Pierre force la population à voguer sur la Neva, à user des voiles, à prendre des leçons de navigation, à entretenir les vaisseaux. Il en va de même pour la planification de la cité. Jusqu’en 1719, Pierre décide de ceux et celles qui doivent s’installer dans la nouvelle capitale[25].
Figure 2. Île Vassilievski.
À plusieurs reprises le créateur est tenté de placer son centre à divers endroits. Si l’Amirauté a la faveur initiale du tsar, il opte finalement, en 1720, pour l’île Vassilievski. S’en suivent des mesures autoritaires incitant les habitants à détruire leurs maisons actuelles pour aller dans le nouveau centre[26]. Ainsi, la ville répond au désir du tsar tout en étant non stratifiée, rompant avec les traditionnelles cités russes compartimentées. Saint-Pétersbourg, même si elle compte des quartiers, est une ville cosmopolite, en rupture avec la tradition russe et proche du modèle d’Amsterdam[27]. Le bâti est du ressort de Pierre. Vierge, Saint-Pétersbourg sera le laboratoire de l’urbanisme régulier qui impose l’imitation d’un type de maison pour les habitants, selon les principes de l’architecture européenne. Le tsar décide de la hauteur des maisons comme de la taille. Cette expérimentation deviendra une réalité pour les autres villes russes à la moitié du XVIIIe[28]. Cette contextualisation des débuts est nécessaire pour comprendre l’intérêt d’une telle entreprise. Elle est le fait du prince. Il est aisé de penser qu’à la disparition du tsar, en 1725, la ville est loin d’être le paradis promis par Pierre. Toutefois, les premières cartes laissent croire que la cité est un projet déjà avancé.
[1] Nicholas V. Riasanovksy, Histoire de la Russie, Paris, Robert Laffont, 2014, p. 242-243.
[2] Henri Troyat, Pierre le Grand: Biographie, Paris, Flammarion, 2007, coll. « La Galerie des Tsars », p. 91.
[3] Ibid.
[4] Nicholas V. Riasanovksy, op. cit., p. 243
[5] Ibid.
[6] Troyat, op. cit., p. 111-112.
[7] Hélène Carrère d’Encausse, Les Romanov : une dynastie sous le règne du sang, Paris, Fayard, 2013, p. 76-77.
[8] Nicholas V. Riasanovksy, op. cit., p. 245.
[9] Carrère d’Encausse, op. cit., p. 80.
[10] Wladimir Berelowitch et Olga Medvekova, Histoire de Saint-Pétersbourg, Paris, Fayard, 1996, p. 13-15.
[11] James H. Bater, St. Petersburg: industrialization and change, London, E. Arnold, 1976, p. 19-20.
[12] Berelowitch et Medvekova, op. cit., p. 44.
[13] Berelowitch et Medvekova Ibid., p. 11 et Troyat, op. cit., p. 160.
[14] Lincoln, op. cit.,p. 17.
[15] Berelowitch et Medvekova, op. cit., p. 43.
[16] Bruce Lincoln, Sunlight at Midnight, New York, Basic Books, 2000, p. 20.
[17] Troyat, op. cit., p. 160.
[18] George E. Munro, The Most Intentional City: St. Petersburg in the Reign of Catherine the Great, Plainsboro, Associated University Presse, 2008, p. 27.
[19] Paul Keenan, St Petersburg and the Russian Court, 1703-1761, New York, Palgrave Macmillan, 2013, p. 20.
[20] Troyat, op. cit., p. 160.
[21] Ibid.
[22] Ibid.
[23] Ian M. Matley, « Defense Manufactures of St. Petersburg 1703-1730 », Geographical Review, vol. 71, n° 4, 1981, p. 414.
[24] Berelowitch et Medvekova, op. cit., p. 31.
[25] Ibid., p. 50-51 et 69.
[26] Ibid., p. 56.
[27] Ibid., p. 50-53.
[28] Ibid., p. 73-75.
La carte de Georg Paul Bush
Figure 3. Georg Paul Bush, « Plan Peterburga 1721 g. gravirovki Paulya Busha », 1717-1721, https://bit.ly/2OodJ3q. (Consulté le 15 novembre 2019).
La source de Georg Paul Bush est parsemée de détails qui en font une représentation exagérée du développement de la cité. C’est le cas de l’ensemble de la cartographie avant 1737 précise Michael J Bitter. Il semble que ce soit un consensus parmi la communauté historienne puisque, selon Berelowitch et Medvekova, les gravures dépeignent Saint-Pétersbourg embellie. Or, elle est encore à l’état de projet tout en ayant un aspect impressionnant, par l’envergure de la tâche[1]. L’influence de Pierre le Grand n’est jamais très loin, jusqu’à la présence même du tsar sur le document dans le coin droit, en bas de la source. Si rien ne suggère que Pierre ait eu un droit de regard sur la source, cela démontre une allégeance du cartographe envers le souverain. Il n’est pas rare de retrouver ce type de gravure sur les plans de cette période, car elle met en exergue la puissance du tsar sur le territoire[2]. Dans le cas de Saint-Pétersbourg, la représentation de Pierre indique son influence sur la cité.
Quelles observations descriptives est-il possible de faire à partir de la source de Bush ? Premièrement, les habitations se répartissent sur l’île Vassilievski, située à l’ouest de la forteresse Saint-Pierre-et-Paul située sur l’île aux Lièvres. Les bâtiments englobent de manière linéaire l’île dans son intégralité et l’on repère également des lignes bleues qui peuvent correspondre à des canaux. Au nord du fort est le futur quartier de Pétersbourg. Cette île est occupée, d’après Bush, avec des maisons identiques, mais de manière plus disparate. Au sud-est du fort sont présentes des habitations similaires. Enfin, au sud, l’Amirauté diffère par sa représentation. Elle est moins ordonnée. Les maisons sont plus petites que les autres. Elles s’établissent le long de la Neva et du bâtiment de l’Amirauté, principale manufacture de la cité qui laisse penser que ce quartier regroupe les ouvriers de Saint-Pétersbourg. Il existe également quelques habitations éparses dans le coin est, appelé Vyborg, mais aussi à l’extrême Sud-Est, avec le monastère Alexandre Nevski.
Concernant le territoire, il est vastement représenté. Plusieurs îlots sont inhabités selon la carte et les espaces vides de population ne sont pas défrichés. Bush choisit de décrire les terrains vierges par des arbres. La seule variation est du côté de Vyborg où la symbolique est difficilement analysable. Excepté à l’est, à l’endroit où la Neva tourne à gauche après avoir remonté vers le nord, il n’y a aucune information confirmant la présence de marécage. La description de la Neva est limitée à la direction du courant et des rapides. La vaste représentation n’évoque pas de limite géographique et le territoire est à portée de développement puisqu’il n’y a aucune contre-indication.
[1] Wladimir Berelowitch et Olga Medvekova, Histoire de Saint-Pétersbourg, Paris, Fayard, 1996, p. 70.
[2] Mark Monmonier, How to Lie with Maps, Third Edition, Chicago, University of Chicago Press, 2018, p. 112.
La réalité du terrain
La carte de Bush représente un environnement sécuritaire dans lequel la nouvelle capitale du tsar est appelée à prospérer. Cependant plusieurs facteurs permettent de mieux comprendre les obstacles qui se dressent face aux projets impériaux. Pour faire apparaitre ces éléments dans le SIG, il a fallu créer deux types de couches rassemblant les raisons des différentes péripéties. D’abord l’hydrographie, réunissant les composantes de l’eau comme la Neva, les inondations, le gel. Puis la topographie : dans ce cas-ci, ce qui touche aux élévations du terrain, qu’elles soient naturelles ou non.
Figure 5. Gestion hivernale de la Neva, port de secours, et bas-fonds.
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Si voguer sur la Neva est compliqué, le fleuve est également sujet à des crues récurrentes. Lors de son passage à Saint-Pétersbourg, Weber remarque que la capitale est à la merci des inondations. Il indique qu’à partir de l’endroit où la Neva se sépare en deux bras, la ville est exposée au risque d’élévation des eaux[1]. Ces catastrophes sont la conséquence de la localisation de Saint-Pétersbourg dans un bassin sujet à des épisodes cycloniques[2]. Durant l’automne, la baie de Saint-Pétersbourg est victime de forts vents venus de la mer Baltique qui provoquent de soudaines montées des eaux.
Figure 6. Limite des inondations selon Friedrich Weber (1725).
Si l’urbanisation doit composer avec le fleuve capricieux, les sols n’offrent aucune garantie qu’une ville puisse perdurer. Le choix de l’estuaire de la Neva comme emplacement va à l’encontre des principes qui font qu’un lieu est propice à l’établissement d’une ville[3]. Selon Bruce Lincoln, les sols sont de mauvaises qualités, voire stériles, posant la question de l’autosuffisance en matière de nourriture. La conquête des sols est une guerre permanente : « Virtually Every Foot of Land Reclaimed from the Marshes on witch St. Petersburg Was Built Had to be Filled with Oaken Piles Sixteen Feet Long and Driven their Full Lenght Into the Ground[4] ». Selon Lincoln, aucune ville d’Europe n’a eu à affronter autant d’obstacles pour fonder une cité. Dès lors, sur quels fondements cette ville a-t-elle été construite ?
Figure 7. Composition des sols et aménagements urbains.
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Enfin, Bush montre Vassilievski dans un état de développement avancé avec la présence de canaux rectilignes sur la totalité de l’espace. De tels canaux ne sont pas sans rappeler la ville d’Amsterdam sur laquelle le tsar Pierre voue un fantasme. La ville hollandaise est un modèle pour la ville de Pierre puisque le système de canaux est utilisé depuis le XIVe siècle, alors que le futur centre commercial de l’Europe n’est encore qu’un village[5]. Mais c’est au cours du XVIIe siècle que le Ring de canaux d’Amsterdam va connaître son expansion, avec une forme semi-circulaire, de telle sorte que le centre est entouré par des canaux. L’objectif est d’en faire le principal moyen de transport de la cité. Permettant aux commerçants d’être à la portée du port tout en étant accessible pour la population[6]. C’est avec cette vision que Pierre le Grand aborde l’urbanisme sur l’île Vassilievski. Il veut que chaque bâtiment soit connecté à un canal pour s’en servir comme mode de déplacement.
Figure 8. L’île Vassilievski et ses canaux.
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[1] Weber et Malassis, op. cit., p. 52.
[2] Alexei Kraikovski et Julia Lajus, « Living on the river Over the Year. The Significance of the Neva to Imperial Saint Petersburg », op. cit., p. 244-246.
[3] Bruce Lincoln, Sunlight at Midnight, New York, Basic Books, 2000, p. 20.
[5] Geert Mak, « Amsterdam as the “Compleat Citie”: A City Plan Read in Five Episodes », dans Sako Musterd et Willem Salet (dirs.), Amsterdam Human Capital, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2003, p. 32.
[6] Ibid., p. 33-34.
La première organisation urbaine
L’étude de l’espace démontre les failles environnementales de l’estuaire de la Neva. La carte de Bush décrit une urbanité massive dans trois zones : l’île Vassilievski, l’île de Pétersbourg, et le Slabode des Moscovites (Litenoi). Trois zones d’habitations pour disperser les habitants et éviter un centre compact[1]. Après avoir montré que l’établissement de l’île Vassilievski relève plus du fantasme, les couches du SIG viennent apporter un éclairage sur l’utilisation des espaces : les points de rassemblement, les zones de peuplement, les rues, la prévention des incendies.
Figure 9. Le Slabode des Moscovites (future Litenoi) et la perspective Nevski.
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Bush montre que de nombreuses de maisons sont construites en amont de la Neva, au-dessus de la forteresse Pierre-et-Paul, sur l’île de Pétersbourg. Cette dernière regroupe les espaces commerciaux les plus importants de la cité avec deux grands marchés et s'installe comme la place mercantile de la cite.
Figure 10. Le Quartier Tatar, sa friperie et les marchés environnants, sur l’île de Pétersbourg.
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Avec les inondations, les incendies sont les principaux dangers qui guettent la capitale du tsar. Et pour cause, une grande partie de la cité est bâtie en bois. Toutefois, la ville met en place un système pour intervenir en cas de feu. Weber explique que les clochers sont occupés par des gardes qui sonnent d’une manière particulière pour alerter du danger. Pour mieux comprendre ce stratagème, les églises ont été repérées sur la carte de Bush permettant ainsi d’avoir une meilleure vision de ce système. L’Amirauté profite de la présence des clochers mais elle rassemble plus de palais d’importances. Sur l’île de Pétersbourg, place des marchés, dont l’un a déjà brûlé, un seul clocher est une sécurité insuffisante pour prévenir le danger.
Figure 11. Les clochers de la ville en 1721
Si l’île de Pétersbourg est le point commercial de la cité, l’île Vassilievski doit devenir le centre sur le modèle d’Amsterdam. Il a été évoqué à plusieurs reprises que des exagérations résident dans la gravure de Bush et la représentation de l’île Vassilievski en est une, particulièrement sur les canaux et les bâtiments. Contrairement à ce qu’indique la carte, presque tout le développement de cette zone reste à faire. Si les canaux sont présents, si des maisons et des rues sont tracées, une très grande partie de l’île n’est pas défrichée[2]. La source montre Vassilievski comme habitée dans son entièreté, et elle n’est pas la seule. Le plan d’Homann décrit un développement spectaculaire de l’île, s’inspirant des croquis des architectes européens du tsar : Trezzini et Le Blond, qui répondent aux désirs du tsar entre fantasme et réalité[3]. Probablement une façon pour Pierre le Grand de montrer aux autres nations l’avancée de la nouvelle capitale russe alors que cette île est encore un vaste espace humide et sauvage. Pour connaître la véritable croissance du projet, il faut attendre 1737 et la carte de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg. Le plan montre que cette île ne sera pas le centre-ville. Ce rêve, celui de Pierre, est mort en même temps que le tsar en 1725.
[1] George E. Munro, The Most Intentional City: St. Petersburg in the Reign of Catherine the Great, Plainsboro, Associated University Presse, 2008, p. 25.
[2] Friedrich Weber et Malassis, Nouveaux memoires sur l’etat present de la Grande Russie ou Moscovie... Par un Allemand résident en cette cour, Paris, chez Pissot, 1725, p. 41-42.
[3] Micheal J. Bitter, « The Forbes/Maas Chart of St Petersburg », dans Anthony Cross (dir.), St. Petersburg 1703-1825, Palgrave Macmillan, New York, 2003, p. 36-40.
Conclusion
La carte de Georg Paul Bush est une représentation entre réalité et fantaisie. C’est est une des projections du futur Saint-Pétersbourg si la cité devait demeurer sous le commandement de Pierre le Grand pour les années à venir. En termes de peuplements, les zones d’habitations ont été exagérées. Au regard des cartes publiées après les années 1730 et 1740, il est possible de dire que l’ampleur de la supercherie est importante du côté de l’île Vassilievski et du Slabode des Moscovites.
Le SIG a montré des difficultés topographiques et hydrographiques dans tous les coins de la cité : les pilotis sont utilisés pour la forteresse et les quais. Les terrains sont trop bas. Certains espaces sont marécageux. Les trois quarts de la ville sont sous la menace des crues. Il n’existe aucun pont à cause de la Neva. Cette dernière n’est pas accessible aux bateaux à cause des bas-fonds et des rapides. Les spécialistes de la ville sont unanimes pour affirmer que, de manière générale, les sols ne sont pas favorables à l’établissement d’une colonie. Toutefois Vyborg et Litenoi — malgré un marécage — sont protégés par deux collines et sont plus propices à l’établissement du centre-ville, mais n’entrent pas dans le carcan idéologique du tsar. Au regard du SIG, de la source en elle-même et de ses exagérations cartographiques, une réalité apparaît, soit la volonté des autorités de montrer une occupation importante de l’espace. Chaque île fait l’objet de projets, bien avancés d’après la carte, alors que dans la réalité l’intégralité du territoire est problématique quand vient le temps d’établir une capitale impériale.
Planifier pour mieux parer
Saint-Pétersbourg post-créateur
Le décès de Pierre le Grand laisse planer un doute sur la nouvelle capitale, surtout avec la guerre de succession du trône qui rend instable la situation et provoque même un retour de certaines administrations à Moscou[1]. Les défections aristocratiques sont importantes. La cité, qui connait jusqu’à la mort du tsar une augmentation du nombre d’habitants, voit les chiffres s’affaisser au point de décroître jusqu’à l’arrivée de l’impératrice Anne, qui centre ses efforts sur la capitale à partir de 1732[2]. Les premières années de gouvernance de l’impératrice sont marquées par une croissance urbaine anarchique : les maisons de bois se multiplient, la norme de regroupement d’habitations en Slabode est oubliée, mais la construction des palais et églises transfigure la ville[3].
Ce manque d’organisation est symbolisé par le bois. À plusieurs reprises, des décrets (Ukaz) obligent les habitants à prioriser la pierre pour bâtir les habitations[4]. L’utilisation du bois augmente le risque d’incendie. D’après James Bater, trois d’entre eux sont dévastateurs pour Saint-Pétersbourg. Entre 1736 et 1737, la capitale impériale est frappée par les flammes à trois reprises. Les dégâts sont importants dans le quartier de l’Amirauté entre la Neva et la Moïka — canal le plus au nord dans l’Amirauté[5]. Pas loin de 1000 maisons, constituant un dixième des bâtiments de Saint-Pétersbourg, partent en fumée[6]. Les incendies montrent que l’organisation de la ville est instable et qu’une véritable planification est nécessaire. Ainsi naquit en 1737 la commission chargée du développement urbain[7]. La création de cette institution est une occasion de redéfinir les contours de la ville. Les idées sont nombreuses et et ne sont pas toutes mises en application, car au décès d’Anne, les projets de la commission seront abandonnés[8]. Toutefois, plusieurs grandes mesures sont entreprises et impactent à long terme le visage de la capitale. Il implique donc, au regard d’une carte de 1753, d’observer comment la ville a été redessinée par les successeurs du tsar.
[1] Wladimir Berelowitch et Olga Medvekova, Histoire de Saint-Pétersbourg, Paris, Fayard, 1996, p. 110-113.
[2] James H. Bater, St. Petersburg: industrialization and change, London, E. Arnold, 1976, p. 27.
[3] Berelowitch et Medvekova, op. cit., p. 118-119.
[4] Bater, op. cit., p. 27.
[5] Bater Ibid.
[6] Berelowitch et Medvekova, op. cit., p. 119.
[7] Ibid., p. 120.
[8] Ibid., p. 122.
Une actualisation cartographique
Figure 12. Mikhail Makhaev et John Truscott, « Elisabethae 1, russorum imperatrici, Petri magni filiae sacrum [Plan de St. Petersbourg] / dressé par Ivan Sokolov et M. Makhaev ; dessiné par J. Troscotte »1753, https://bit.ly/2D00N1w. (Consulté le 18 février 2018).
La source représentant Saint-Pétersbourg est une gravure de 1753 réalisée par Makhaev et Truscott. Après la première carte officielle de Saint-Pétersbourg en 1737, ce document est commissionné par la cité qui fête son cinquantième anniversaire. Plusieurs pièges sont à soulever. Le demandeur étant l’administration, on peut s’attendre à une perspective positive. Derrière cette démarche découle une envie de décrire une ville construite aussi rapidement que possible. Dans un chapitre de How to Lie With Maps, Mark Monmonier réfléchit aux caractéristiques typiques d’une carte commandée par une municipalité — le nom du chapitre est d’ailleurs ironique : « Development Maps (Or, How to Seduce the Town Board) »[1]. Il distingue trois catégories :
"Community planning boards commonly work with three principal maps: (1) an official map to show existing rights-of-way, administrative boundaries, parks and other public lands, and drainage systems; (2) a master plan to indicate how the area should look after several decades of orderly development; and (3) a zoning map to show current restrictions on land use[2]".
Monmonier fait également part de techniques fréquemment utilisées par les cartographes travaillant pour une municipalité, toutes époques confondues : accentuer le positif, minimiser le négatif, ajouter un maximum de détails, omettre judicieusement certains aspects, être créatif tout en produisant une carte simple[3]. Ainsi, comment est-il possible de comprendre la source de Truscott et Makhaev au regard de ce qu’avance Monmonier ? La gravure dépeint une ville proche d’être complétée, ce qui est à la fois réaliste et fantaisiste[4]. Cela s’analyse par divers marqueurs que Monmonier identifie comme astuces de manipulation visuelle.
Une innovation, comparativement à la carte de Bush, est l’apparition des noms des quartiers. Une décision qui émane de la commission chargée d’élaborer le nouveau plan urbain qui fonde les premiers arrondissements après les incendies de 1736-1737[5]. Il est possible d’affirmer que la gravure de Makhaev et Truscott tend à se rapprocher des types de plans municipaux un et deux de Monmonier[6]. Soit une carte officielle et un plan directeur. En plus de montrer les nouveaux aspects comme les frontières administratives, cette source donne une projection de ce que doit être Saint-Pétersbourg. Ceci s’explique par l’idéologie de la cartographie russe. Le rôle de cette dernière, dans la représentation de Saint-Pétersbourg, est d’être un outil imageant positivement la planification urbaine[7]. Plusieurs des astuces décrites par Monmonier semblent avoir été utilisées pour la production de cette carte. Monmonier estime que, plus il y a de détails, plus l’observateur est convaincu que ce qu’il regarde se rapproche de la vérité[8]. La gravure de Makhaev et Truscott a l’ambition de montrer toutes les habitations existantes à Saint-Pétersbourg en 1753, donnant l’impression que la population s’établit et occupe l’espace en entier. Toutefois, un peu plus d’un tiers des bâtiments construits appartiennent au gouvernement[9]. Ce qui nuance l’importance de la place prise par la population, et de mettre en exergue le fait que l’administration possède une large proportion du territoire — 40 % au total[10].
Généralement, la source donne une image propre de la ville, ce qui n’est guère étonnant au regard de la politique d’épuration menée au milieu du XVIIIe siècle. Suite aux feux, la règlementation impose la pierre pour bâtir au centre-ville. On expulse les cimetières en périphérie. Les débits de boisson sont poussés vers l’extérieur, car ils sont vus comme responsables des incendies. Les vaches doivent quitter la capitale, ainsi que toutes traces du monde rural. Les mendiants sont expulsés par la force, tout comme les Tsiganes. Ces mesures sont destinées à redessiner la ville au profit de la haute société, qui cherche à se défaire du voisinage indésirable[11]. Alors, l’aspect de la gravure donne une représentation ordonnée, sécuritaire et propre, à l’image des lois coercitives.
[1] Mark Monmonier, How to Lie with Maps, Third Edition, Chicago, University of Chicago Press, 2018, p. 85.
[2] Ibid., p. 86.
[3] Ibid., p. 93-94.
[4] Anthony Cross, « The English Embankment », dans St. Petersburg, 1703-1825, New York, Palgrave Macmillan 2003, p. 59.
[5] Wladimir Berelowitch et Olga Medvekova, Histoire de Saint-Pétersbourg, Paris, Fayard, 1996, p. 121.
[6] Monmonier, op. cit., p. 86.
[7] Anthony Cross, « The English Embankment », op. cit., p. 59.
[8] Monmonier, op. cit., p. 94.
[9] George E. Munro, The Most Intentional City: St. Petersburg in the Reign of Catherine the Great, Plainsboro, Associated University Presse, 2008, p. 32.
[10] Ibid. p.32
[11] Berelowitch et Medvekova, op. cit., p. 125-126.
Découpage de la cité
La commission au développement créée les cinq premiers arrondissements de la ville : l’Amirauté, Litenoi, Moscou, Vassilievski et Pétersbourg[1]. Deux autres s’ajoutent par la suite pour porter leur nombre à sept, soit ceux de Vyborg et d’Okhta. Ce dernier est situé à l’extrême est de la capitale. George Munro dénombre, dans les années 1750, seulement six arrondissements[2]. Il ne prend pas en compte Okhta. Cela n’est pas surprenant. Oktha et Vyborg sont deux quartiers périphériques souvent confondus, Vyborg absorbant le régulièrement Okhta. Que ce soit dans les monographies ou les sources écrites et cartographiques, les deux entités sont parfois liées ou distinctes. Le manque de considération de ce quartier est probablement dû à son emplacement géographique périphérique.
Figure 13. Les arrondissements de Saint-Pétersbourg en 1753.
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La description de chacun des arrondissements permet de comprendre dans quel axe s’insère chacun de ces quartiers. L’Amirauté s’inscrit, avec l’est de l’île Vassilievski, comme le cœur de la cité. Quant aux autres arrondissements, plus on s’éloigne, plus la ruralité est un fait. Celle-ci borde le quartier central par le sud avec le quartier de Moscou. Cet aspect n’est pas ressenti dans la carte, qui est plutôt homogène au regard des habitations.
Avec la création de la commission au développement, ainsi que la présence « historique » de certains lieux, la capitale commence à se fracturer. La ligne rouge de démarcation représente la limite entre la Central City (centre-ville) et les Outskirts (faubourg ou banlieue), comme l’explique George Munro. Le centre comprend l’Amirauté, la moitié sud de l’arrondissement de Pétersbourg, Litenoi et le tiers est de Vassilievski[3]. La périphérie compte Vyborg, Oktha, le nord de l’île Saint-Pétersbourg, les deux tiers ouest de Vassilievski et l’arrondissement de Moscou. Cette fracture entre les espaces plus anciens, centraux, et extérieurs, permet de comprendre ce qui caractérise les différents quartiers.
Figure 14. Démarcation entre la Central City et l’Outskirt en 1753.
[1] Wladimir Berelowitch et Olga Medvekova, Histoire de Saint-Pétersbourg, Paris, Fayard, 1996, p. 121.
[2] George E. Munro, The Most Intentional City: St. Petersburg in the Reign of Catherine the Great, Plainsboro, Associated University Presse, 2008, p. 30-31.
[3] Ibid., p. 36.
La dynamique urbaine
La commission du bâtiment laisse un héritage important. La fondation des arrondissements a permis l’analyse précédente, à savoir l’étude des caractéristiques des quartiers. Toutefois, l’institution urbaine a un héritage plus important dans certains secteurs. Dans cette section, le SIG partage des données qui montrent comment l’urbanisme de Saint-Pétersbourg, au milieu du XVIIIe siècle, renforce la prédominance de certains axes.
L’une des réussites qui traversent les siècles est la formation du trident dans l’arrondissement de l’Amirauté. Il comprend trois artères : la perspective Nevski, la rue Gorokhovaia et la perspective Voznesenskii.Ces trois axes convergeant en direction de l’Amirauté sont une imitation de ce qui se fait à la même époque dans les cités occidentales comme Versailles et Rome[1]. Le trident est donc davantage le symbole d’une urbanité occidentale que d’une utilité publique.
Figure 15. Le trident de l’Amirauté (1753).
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Un élément allégeant les contraintes du quotidien fait son apparition sur la gravure. Il s’agit de l’installation du premier pont de bois flottant entre l’Amirauté et Vassilievski[2]. Il n’est pas étonnant que ces deux espaces soient les premiers reliés puisqu’ils réunissent les grandes institutions impériales et économiques. Pour mieux comprendre l’importance de ce pont, il est nécessaire de localiser les espaces commerciaux qui en profitent.
Figure 16. Le premier pont permanent entre Vassilievski et l’Amirauté, et les espaces commerciaux.
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Ainsi, les deux zones mercantiles les plus connues de la capitale se trouvent logiquement dans les endroits considérés comme les centres de la cité. Profitant de situations géographiques stratégiques, ils bénéficient des projets urbains favorables. Le pont flottant fait le lien entre les deux axes névralgiques, la formation du trident entraîne une reconfiguration de Saint-Pétersbourg et l’Amirauté s’inscrit comme le cœur de la noblesse et de la famille impériale.
Outre ce renouveau, la ville adapte l’urbanisme au territoire et à la défense. Saint-Pétersbourg fait face à deux options en cas d’invasion : une attaque maritime ou terrestre. Cette dernière option étant hors de portée des ennemies, la protection de la Neva est la priorité. Deux endroits, sur la gravure, sont visiblement isolés. Il s’agit de l’Amirauté, mais aussi de la forteresse Pierre-et-Paul et le Kronwerk. Il est toutefois étrange que de telles initiatives ne soient pas prises dans le quartier Litenoi, ce dernier abritant une partie des stocks d’armes de la cité et étant proche de palais importants.
Figure 17. Espaces critiques protégés.
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Le quartier de Litenoi est d’ailleurs l’un des arrondissements ayant une caserne militaire. C’est aussi le cas pour celui de Moscou. L’armée a longtemps été un fardeau puisqu’avant 1725, les soldats vivaient chez l’habitant[3]. Leur présence est rendue obligatoire, car la guerre russo-suédoise s’achève, officiellement en 1721. Suivirent plusieurs décennies de micro-invasions et de préparatifs quant à d’éventuels conflits[4]. Devant le besoin croissant de loger les soldats et leurs familles, l’administration va remédier à la situation. Les quatre régiments sont répartis en périphérie dans des Slabode. Les maisonnettes assignées font l’objet de règles strictes[5]. Il est aisé, sur la gravure de 1753, de repérer ces faubourgs militaires constitués de petites habitations individuelles. Hors du centre-ville, l’idée des Slabode continue de se développer pour loger certains travailleurs en créant des lotissements similaires à ceux des garnisons[6]. Un moyen utile et économique d’obtenir une planification régulière. Il est cependant étrange que l’hôpital militaire et naval soit aussi loin des régiments, même si précédemment était évoquée la présence de soldats sur Vyborg. Ni les sources ni la légende de la carte ne sous-entendent la présence d’un Slabode militaire dans l’arrondissement de Vyborg.
Figure 18. Les Slabode militaires (en vert) et l’hôpital sur Vyborg.
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[1] Wladimir Berelowitch et Olga Medvekova, Histoire de Saint-Pétersbourg, Paris, Fayard, 1996, p. 74.
[2] George E. Munro, The Most Intentional City: St. Petersburg in the Reign of Catherine the Great, Plainsboro, Associated University Presse, 2008, p. 42.
[3] Berelowitch et Medvekova, op. cit., p. 123-124.
[4] Ibid.
[5] Ibid.
[6] Ibid.
Conclusion
La gravure de Truscott et Makhaev donne l’impression d’une ville propre, planifiée, homogène, en plein développement après cinquante ans d’existence. Les informations explicitées dans ce chapitre tendent à nuancer cette réalité. Au centre de Saint-Pétersbourg, les autorités mènent une politique urbaine agressive d’effacement de tous signes ruraux, car ils ne collent pas à l’image impériale qu’on cherche à donner à la cité. Toutefois, les mêmes procédés cartographiques sont utilisés pour décrire la périphérie. L’unicité de la carte est donc problématique, car elle donne le sentiment, au regard de la source, que les habitants sont tous logés à la même enseigne alors qu’ils vivent dans des environnements différents.
Les actions urbaines, depuis la mort de Pierre le Grand, ont favorisé l’Amirauté comme le démontre le SIG : formation du trident, installation d’un pont, protection des espaces à risques. Pour ce qui est de la périphérie, aucun grand projet d’envergure n’est entrepris, si ce n’est la création de zones d’habitations militaires. Si les habitations extérieures sont issues d’une planification, les conditions sont précaires puisque ce sont des maisonnettes de bois dans un espace de la campagne. Donc le SIG permet de repérer la stratégie urbaine de la capitale, soit de faciliter les échanges centraux, en renforçant la sécurité et l’esthétisme en rejetant en périphérie les éléments ne s’associant pas à cette idéologie.